En avril, ne te découvre pas d’un fil
Le mistral souffle sur la Cité phocéenne sans discontinuer depuis trois jours. Le mercure a plongé profondément sous les normales saisonnières.
Les tenues estivales sorties un peu trop tôt le week-end passé ont rapidement retrouvé leur place sur les étagères. Les traces des coups de soleil contrastent drôlement avec le retour des bonnets et des écharpes. Malheur aux personnes qui ont confié doudoune et coupe-vent au pressing.
Le vent s’engouffre partout. On peut mesurer la force de ses rafales à l’horizontalité des oreilles des cockers. Ces bourrasques amènent à portée de truffe une avalanche d’odeurs alléchantes. Ils ne savent où donner de la tête et tirent encore plus que d’ordinaire. Ils sont si enthousiastes que leurs queues remuent à une impressionnante fréquence de 180 battements par minute. Je suis certain qu'un anémomètre bien placé permettrait de démontrer la force démultiplicative de ce petit bout de queue sur le mistral.
Côté humain, on réalise la puissance du souffle d’Éole grâce aux grimaces des cyclistes et aux dangereux écarts qu’ils effectuent le long de la Corniche. Sur l’eau, les véliplanchistes s’en donnent à cœur joie. Un papa essaie tant bien que mal de conserver la maîtrise du cerf-volant volant de sa fille.
Les coiffeurs sont aux anges. Les rendez-vous brushings s'arrachent à prix d'or.
Sur le Vieux Port, le vent siffle entre les mats et fait claquer les drisses. Ce bruit, à la fois terrifiant et rassurant, me rappelle mes étés d'enfance sur le Golfe de Saint-Tropez.
Par mesure de précaution, le ferry boat qui le traverse a suspendu son activité. Il est certain que les 250m de traversée peuvent être dangereux. On n'est jamais à l'abri d'un raz-de-marée fulgurant ou d'un client à l'estomac fragile.
Le week-end passé, de nombreux établissements avaient profité des chaleurs estivales pour déployer leurs immenses terrasses. Je les retrouve désormais à la lutte pour conserver bien amarrés au sol leurs parasols à l'effigie d'une marque d'alcool.
Au loin, j’aperçois un curieux triangle coloré se faire emporter par une rafale. J’imagine que la bise a gagné son combat contre le papa au cerf-volant. J’en déduis qu’il est temps pour moi de me mettre à l’abri et de commander un thé pour me réchauffer.
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