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Communication interespèce ?

En m’adressant à elle, j’ai eu l’impression de parler au curieux mélange d’un crapaud qui coasse, du son que fait le passage d’une voiture sur des graviers et d’un chat qui ronronne. Pourtant, mon interlocutrice me semble parfaitement humaine. En provenance des États-Unis d’Amérique, je dirais même.

Renseignement pris, elle pratiquait ce qui s’appelle le vocal fry ou laryngalisation. Il s’agit d’un effet de voix obtenu par la compression des cordes vocales. Cela permet de parler jusqu’à deux octaves sous sa tessiture normale. Cet effet est pratiqué dans plusieurs langues, telles que le danois ou le vietnamien. Loin de ces contrées, quelle mouche a bien pu piquer mon Américaine pour laryngaliser de la sorte ?

Des chercheurs se sont penchés sur le sujet. Ikuko Patricia Yuasa, sociolinguiste à l’université de Berkeley, a théorisé que ce vocal fry aurait été popularisé aux États-Unis dans les années 1990 par les Wall Street women. Ces femmes d’affaires souhaitaient être considérées sur un pied d’égalité avec leurs collègues masculins. En abaissant volontairement leur timbre de voix, elles s’affirmaient davantage, paraissant plus sûres d’elles, voire plus ambitieuses.

Or cela a dérapé.

Une étude menée à l’Université de Duke a cherché à montrer que les utilisatrices de cet effet de voix sont maintenant catégorisées comme moins compétente, moins instruites et moins dignes de confiance que les autres.

Revenons-en à mon Américaine. Peu importe qu'elle vocal fryise ou qu'elle ponctue ses phrases par le mot like. Je pense que je donnerai beaucoup par contre pour l'entendre réciter des Fables de La Fontaine. Elle serait particulièrement dans le personnage du Corbeau avec son fromage ou dans celui de la Grenouille qui se voit aussi grosse que le bœuf.