Deux salles, une même ambiance
Participer, dans une même journée, à ce plaisir incommensurable qu’est celui de faire la queue. Le faire dans deux contextes différents. Une première fois à la Sécurité sociale, la seconde fois à l’Opéra.
Constater deux foules bien distinctes.
Dans la première, beaucoup de personnes apparemment désemparées, blessées physiquement ou moralement. Elles cherchent au plus profond d’elles-mêmes à trouver la force d’argumenter une fois de plus face à une administration qui semble de marbre face à leurs préoccupations. Administration dont les agents sont en sous-effectifs chroniques mais qui, à leur corps défendant, tentent au maximum d’aiguiller ces personnes et de répondre à leurs questions.
Dans la seconde, l’ambiance est plus joyeuse. Les habits de gala sont de sorties, les sourires s’affichent haut, les rires résonnent. Il y règne une certaine excitation.
Pourtant, alors que tout semble séparer ces deux mondes, on retrouve le même comportement bassement humain.
À l'Opéra comme à la Sécu, on retrouve les petites mesquineries, les chamailleries, les chouinades de « j’étais là avant », de « Monsieur, il m’est passé devant ». On constate également les coups d’œil de plus en plus répétés à son poignet pour constater la stagnation. On croise l’incompréhension dans les yeux lorsqu’une personne, pleine d’assurance, double la moitié de la file pour retrouver une connaissance ou arguer aux agents que son cas est plus important, plus urgent.
Et très souvent, dans tout ce capharnaüm, s'élève une voix qui annonce que tout le monde va passer, qu'il ne sert à rien de pousser derrière. Cette personne est, sans nul doute, la pire de toutes. Avec un sourire qui se veut bienveillant, elle souhaite se hisser au-dessus de la mêlée. Montrer que les précipitations du bas peuple ne l'intéresse guère. Affirmer haut et fort qu'elle est plus sage que tous ses coqueutards.
Mais qu'elle nous laisse tous passer dans ce cas. Si cela ne lui fait rien d'attendre, qu'elle attende.
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