L'arbre qui cache la forêt

Comme on l’évoquait il y a peu, certains arbres sont timides. Ils vivent leur vie chacun de leur côté, en tentant de minimiser la moindre interaction avec leurs voisins. Mais ceci n’est qu’une interprétation purement anthropocentrique. Car en réalité, les arbres sont très expansifs. Ils sont même drôlement bavards.

Cette appétence au partage est facilitée par un autre règne, celui des champignons. Ces derniers ont besoin des arbres pour les nutriments. En échange, les arbres reçoivent de l’eau, des acides aminés et des minéraux. Mais cette coopération ne s’arrête pas là.

Les racines des champignons, aussi appelées mycélium, et celles des arbres, s’entrelacent jusqu’à former un ensemble symbiotique appelé mycorhize. Ces mycorhizes forment un réseau très dense qui tapisse la totalité du sous-sol forestier.

Les informations sont échangées entre les arbres sous la forme de signaux électriques. Elles sont ainsi diffusées très rapidement et permettent d’avertir l’ensemble de la forêt de la présence d’insectes, de virus ou d’un stress hydrique par exemple. Certains biologistes qualifient ce réseau de Wood Wide Web.

Les arbres ont aussi des ressources propres pour communiquer. Dans son livre La vie Secrète des arbres, le forestier Peter Wohlleben donne l’exemple des acacias qui dégagent de l’éthylène dès qu’une girafe entreprend de brouter ses feuilles. Ce gaz lui sert à prévenir ses voisins de l’arrivée d’un prédateur et leur donne l’occasion d’augmenter la teneur en tannin de leurs feuilles, afin de les rendre impropres à la consommation.

On parlait aussi des phytohormones des arbres timides qui permettraient de limiter la croissance de leurs houppiers pour qu'ils ne se gênent pas. À la vue de ces nouveaux éléments, certains botanistes, Francis Hallé en tête de file, préfèrent revoir cette notion de timidité. À ses yeux, ces arbres sont loin d’être timides. Ils sont le symbole même de l’entraide. Aussi, pour symboliser cela, M. Hallé propose de renommer ces fentes de timidité en fente de solidarité.

Il aspire aussi à ce que les êtres humains parviennent à s’en inspirer.