Le secret de la motivation
Je vous vois venir, mais non. Le secret de la motivation ne revient pas à s'autoriser un M&Ms toutes les demi-heures pour se féliciter du bon travail mené jusqu’ici. C’est tentant mais c’est contreproductif. Un incendie dans l’usine Mars et toute motivation est réduite à néant. Et je ne parle même pas du tour de taille qui grandit à mesure que le projet se développe.
J’ai récemment entendu une meilleure analogie que je souhaite relater ici, bien meilleure pour notre tour de taille. Elle va même nous faire prendre le large.
Des comportementalistes se plaisent à comparer la gestion d’un projet à une transatlantique.
Tonnerre de Brest
Chose rare à Brest, et encore plus en octobre, le ciel est bleu, le soleil brille, les mouettes rigolent. Vous avancez avec votre équipage d’un pas sûr en direction de votre bateau. Votre voilier est le plus beau du port. Vous l’avez même équipé du dernier gadget à la mode pour permettre une navigation plus sûre. Votre cale est pleine de glucides lents et vous avez déjà trouvé la cachette de bonbons de votre équipier masculin. Dans un mois, c’est sûr, vous serez à New York.
Les premières phases d’un projet sont similaires. Vous avez l’envie d’en découdre et de montrer au monde ce dont vous êtes capable. L’équipe a été constituée, le projet bien pensé, ça va être un jeu d’enfant. En bon chef de projet, vous avez même réussi à convaincre votre N+1 d’investir dans un super programme que vous n’avez jamais utilisé mais dont on vous a grandement vanté les mérites.
Au début tout va bien
Vous larguez les amarres, direction le grand large. Le vent souffle à 15 nœuds, facilitant votre départ. La Côte défile, vous avez l’impression d’aller vite. La rade de Brest est belle. Les promeneurs sur les falaises vous saluent. Si le vent est de votre côté, vous serez au pied de la statue de la Liberté dans trois semaines.
Le projet est lancé, les premiers jalons rapidement franchis, tout se passe comme prévu. Vous commencez même à espérer le terminer avant la deadline, ce qui, c’est sûr, sera le sésame pour cette promotion tant attendue.
Mais très vite ça se gâte.
La Côte est sortie de votre champ de vision il y a maintenant deux semaines. Vous commencez à douter de votre itinéraire. Pourquoi avoir décidé de faire ce Brest-New-York directement, sans passer par les Canaries ? Vous espérez que personne ne se souvient de votre prétention : « 3 semaines pour une Transat’. » Mais pour qui vous preniez-vous ?
Cet équipage n’était peut-être pas le meilleur, non plus. Jean-Claude passe son temps à vomir et ne peut assurer ses quarts ; Marie-Christine a tout oublié de ses quatre stages aux Glénans. Une nouvelle partie de Uno et vous allez faire manger sa carte +4 à Claudia.
Et si ce n’était que ça… Mais non. Vous ne comprenez rien à ce nouvel outil de navigation et avez dû ressortir le compas du grand-père. Et ce que l’Atlantique est monotone. Pas un dauphin, pas un souffle de baleine à l’horizon. Rien, à part ces satanés poissons volants qui cradossent le pont du voilier. La sensation de vitesse évoquée au départ ? Évanouie. Comment se rendre compte de son avancement sans aucun repère à l’horizon ?
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Le projet commence à pédaler dans la semoule. Il aurait peut-être mieux valu suivre les conseils de l’ancien chef de projet et demander un délai supplémentaire. L’équipe ne s’entend pas. Jean-Claude n’en fait qu’à sa tête, Marie-Christine a menti sur ses compétences et si Claudia vous montre une nouvelle photo de son chat, vous allez la lui faire manger.
Vous passez plus de temps à faire de la gestion de personnel qu’à avancer sur le projet. De ce fait, vous n’arrivez pas à vous consacrer à la compréhension de ce nouveau programme. En plus, le service informatique est particulièrement pénible ces derniers temps. Alors, vous ressortez la suite Office. C’est moins sexy, mais vous la connaissez du bout des doigts. Et les semaines passent, sans que rien change vraiment. Vous avez le sentiment de faire du surplace avec ce projet.
New York, New York
Vous avez finalement pris le temps de lire le manuel de votre nouvel outil. Il s’agissait d’un GPS spécial, permettant de créer des repères virtuels. De cette façon, vous avez une meilleure vision du trajet déjà parcouru et un sens d’accomplissement lorsqu’un jalon virtuel est atteint dans la réalité. Big Apple devrait d’ailleurs bientôt être en vue.
C’est Marie-Christine qui l’a aperçue en premier. La Skyline new-yorkaise. Cela a contribué à raviver les esprits. Les petites querelles de bord sont oubliées. Même Jean-Claude est efficace depuis qu'il a avoué le lien entre son mal de mer et un trop-plein de bonbons. Il ne le sait pas, mais heureusement que vous étiez là pour l’aider à terminer son stock. Vous faites un bon Capitaine somme toute.
Un dernier conseil avant de mettre pied à terre ? Gardez-vous bien de parler du magasin M&Ms de Times Square à JC.
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Vous avez enfin saisi l’importance de diviser le projet en sous-objectifs, plus facilement atteignables. La multiplication de ces tâches rend le travail plus agréable pour tout le monde et contribue à la sensation d’avancement. Pas à pas, le projet se concrétise. Le rendre à temps ne vous fait plus peur.
Marie-Christine s’est avérée prolixe dans le langage de programmation de ce nouveau logiciel et vous lui en avez confié la licence. Vous êtes parvenu à souder cette équipe dysfonctionnelle en leur faisant confiance et en leur laissant beaucoup plus de latitude que vous ne le faites d’ordinaire. Grâce à ce projet, vous avez la sensation d’en avoir beaucoup appris sur vous-même.
Vous méritez bien un paquet de M&Ms pour fêter ça.
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