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Marcher sur ses propres traces

C’est avec un mélange d’excitation et d’appréhension que je retrouve la cité lacustre du Golfe de St Tropez. Cela doit faire plus de quinze ans que je n’y suis pas retourné.

Je suis accueilli par le rire des mouettes et l’odeur du jasmin, agréablement rehaussée par une pluie fine. Au loin flottent les drapeaux sur lesquels figure le symbole de la ville, un petit poisson avec de jolies écailles. Ça y’est, m'y revoilà.

La barrière et les gardiens de PG3 sont toujours là. Je me demande s’ils se souviennent de moi, petit, qui avait tenu bon toute la route, avant de rendre mon repas, juste là, à leur pied. Personnellement, ça m’a marqué.

Je franchis un premier pont et je tourne à droite, rue des 4 vents. Tout au bout de la rue se tient toujours l’immeuble dans lequel j’ai passé une grande partie de mes étés d'enfance. Je pousse la porte et monte les deux étages. L’odeur n’a pas changé. Les tomettes de l’escalier non plus.

En redescendant, je vais voir le ponton sur lequel était amarré Éole 2. Le voilier de papi n’y est plus. À sa place se trouve un vulgaire bateau à moteur.

Je continue en direction de la Petite Plage. Elle était bien plus grande dans mes souvenirs. Il parait que cela s’appelle l’illusion du préau. Peu importe. On s'y sent toujours aussi bien. J’en profite pour ramasser du verre poli, en mémoire de mamie.

Je fais demi-tour et longe les canaux en direction de PG1. Je me rappelle une histoire selon laquelle Beb serait tombée dedans à vélo. Ne voulant pas l’abandonner aux fonds marins, elle aurait eu les plus grandes difficultés à s’en sortir. Je ne sais pas si cette histoire a véritablement existé. Il faudra que je lui demande.

Les commerces de PG1 sont toujours là mais ils me paraissent moins nombreux, un peu plus surfaits. En allant vers la Grande Plage, je passe devant le glacier qui proposait cette glace bleu turquoise qui me tentait tant. Maman ne me laissait jamais la prendre. « Le curaçao, c’est de l’alcool. C’est pas pour toi. » Maintenant que je suis grand, je cède à la tentation. C’est excitant de braver d’anciens interdits parentaux. Je le regrette vivement. Je n’ai jamais mangé quelque chose d’aussi chimique. Il faudra aussi que je pense à remercier maman de m’avoir gardé sur le droit chemin.

La plage est vide. Elle est nettement moins agréable que celle d'en face. Encore une fois, merci les parents de m'avoir initié aux bonnes choses.

En remontant vers PG1, je croise un coche d’eau. Ils ont toujours la même allure et le capitaine porte les mêmes chaussures bateau. Mais ils semblent désormais ne faire que des visites touristiques. Ils n’assurent plus les services de navette. À ses côtés arrive le Bateau vert. C’était, et cela semble toujours être, le moyen le plus simple et agréable pour se rendre à St Tropez, tout en s’épargnant les longs embouteillages estivaux.

Avant de reprendre mon chemin, je souhaite passer prendre une mouna, cette délicieuse brioche à la fleur d’oranger. Hélas, la boulangerie a fermé. Une boulangerie Paul a repris l’emplacement et n’en propose plus.

Je n’ose pas repartir par la route de la Garde Frenet. Ses lacets m’ont laissé trop de souvenirs nauséeux. Celle de Cogolin me parait moins traumatique. À peine ai-je pris cette décision que je passe devant le Luna Park. Me reviennent en tête les souvenirs d’un accident de karting qui m’avait couté une dent.

Mais laissons ces traumatismes de côté.

Ce retour à Port-Grimaud m’a fait le plus grand bien. La Cité parait préservée du tourisme de masse qui a atteint le reste de la Côte d’Azur. Elle ne fait pas trop toc. L’ensemble architectural est aussi harmonieux que dans mes souvenirs. L’œil adulte fait plus attention à certains détails et est peut-être plus critique de cette politique de « gated community » mais il comprend aussi que cela permet un luxe inestimable : la liberté de vaquer à ses occupations sans se préoccuper de l’intense flux de voiture qui s’abat sur la Méditerranée entre mai et octobre. Celle de vivre en maillot de bain sur le balcon et d'écouter le vent jouer avec les drisses des bateaux.