Mignonne, allons voir si la rose
Qui a décidé qu’offrir des roses était le summum du romantisme ? En tout cas, c’est la croyance à laquelle adhère la majorité des Parisiens croisés en cette journée de Saint-Valentin. Tout Paris se trimballait une rose à la main. Ville de l’amour ? Si c'est ça l'amour, ça ne donne pas envie.
Ces roses étaient toutes tristes, emballées dans un papier plastique qui ajoutait au caractère pathétique de la situation. Tristes, car elles connaissent le parcours qu’elles viennent d’accomplir pour atterrir entre les mains de l’être aimé (qui, secrètement, espérait autre chose qu’une rose).
Elles savent qu’elles n’ont rien à faire à Paris en février. Dans leur papier plastique qui bâille, elles se mettent à fantasmer sur leurs cousines qui poussent naturellement, grâce au soleil de la fin du printemps.
Elles n’ont pas eu cette chance.
Elles se souviennent du traumatisme d’avoir été planté en décembre, dans des serres néerlandaises surchauffées. Puis du long sommeil froid, enfermées en état de dormance dans des hangars réfrigérés. Elles se souviennent de l'espoir ressenti à la vue d’un peu de lumière, avant de se rendre compte qu’on les enfermait à nouveau dans des contenants plus petits, toujours aussi froids, mais mobiles ceux-ci. Ces camions réfrigérés les ont amenés aux quatre coins de l’Europe. Elles ont terminé à Paris, juste à temps pour qu’un partenaire en manque d’originalité décide que cette fleur sera le symbole même de son amour.
Elles en voudront à leurs acheteurs et ne feront aucun effort pour survivre très longtemps. Pétales par pétales, elles s'éteindront, oubliées dans un vase trop grand, dans un appartement trop petit, dans une ville au ciel trop gris.
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