Snackcident
Ça commence toujours de la même façon.
Tu ouvres la tablette de chocolat en pensant te limiter à un carré. Tu as attendu toute la journée pour ce petit plaisir. Et quel plaisir ! Tu laisses fondre lentement ce carré contre ton palais. Les petits cristaux de sels viennent rehausser la saveur du cacao. C’est une combinaison divine. Une fois avalé, ce goût reste longtemps en bouche. C’est tout ce dont tu avais besoin après cette dure journée.
Et tu te souviens de la remarque désagréable de Marie-Jo. Quelle peste celle-là. Avoir réussi à garder ton calme en lui répondant est un accomplissement qui mérite bien un second carré. Celui-là, tu vas le déguster autrement. Tu gardes Marie-Jo en tête et essaie d’imaginer sa vie, seule entourée de cinq chats. Avec les odeurs acides de litières à longueur de journée, pas étonnant qu’elle soit aussi aigrie. Or toi, tu es une personne qui croque la vie à pleines dents. C’est donc ainsi que tu vas manger ce deuxième carré. Le son du chocolat qui cède sous ta mâchoire est tout aussi divin.
Tu penses à prendre un troisième carré, te dis que ce n’est pas très raisonnable et te décide à ranger la tablette lorsque ton téléphone sonne. C’est Sophie.
La conversation dure plus d’une heure. Quel plaisir d’échanger avec cette femme. D’autant plus depuis qu’elle s’est mise à la poterie et que vous pouvez vous échanger des conseils. Tu considères la plaquette de chocolat qui n’a finalement pas été rangée. Elle a bien été allégée par contre. Sans t’en rendre compte, tu as mangé six autres carrés. Beau score. Ça en fait un toutes les dix minutes.
Tu n’as même pas souvenir d’en avoir mangé autant. Il n’en reste plus que deux. Tu prends ton courage à deux mains et ranges le chocolat dans le placard avant de t’installer confortablement dans ton canapé et de lancer le film que t’a conseillé Sophie.
Cela fait trente minutes que le film tourne. C’est vrai qu’il est pas mal, mais tu ne te sens pas vraiment investi dedans. C’est comme s’il te manquait quelque chose. Tu réfléchis quelque peu et tu as comme un flash. Tu te lèves, tu regardes derrière toi, comme si quelqu’un allait te juger, puis tu retournes vers le placard où se trouve le reste de la tablette de chocolat. Tu manges ton neuvième morceau de la journée. Le sucre cajole tes neurotransmetteurs et rend le film beaucoup plus agréable.
Le générique de fin déroule sur ton écran. Tu as sommeil. Avant de te lever, tes yeux se posent sur le papier d’alu recouvrant le dernier morceau de chocolat. Tu as une soudaine montée d’empathie et te dis qu’il doit se sentir bien seul. Tu penses à ses amis qui sont en train de faire la fête dans ton estomac alors que lui est là, tremblotant de peur, dans l’attente.
Oh et puis zut. Foutu pour foutu, tu manges ce dernier carré.
Demain, tu iras courir.
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