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Traumarisu

Hugo a toujours adoré la gastronomie italienne. Petit déjà, sa maman l’emmenait dans la trattoria du coin où il se régalait de vitello tonnato et de gnocchi al burro e salvia

Son moment préféré était le dessert. Les adultes, en tant que fiers napolitains, prenaient toujours le baba au rhum. Lui en voulait aussi, mais on lui disait qu’il n’avait pas l’âge. Alors, il se rabattait sur le tiramisu. Il aimait la richesse et l’onctuosité du mascarpone, relevé par la légère amertume du cacao en poudre et la consistance un peu molle des savoiardi encaféiné.

Pour rendre honneur à sa famille, Hugo entreprit des études de tailleur. Son rêve était de devenir le meilleur tailleur napolitain de Paris.

Un jour, il invita sa copine du moment dans un restaurant italien. Tout se passa à merveille jusqu’au dessert. Nostalgique de son enfance, il commanda un tiramisu. Une bouchée trop grosse, une inspiration au mauvais moment, et c’est la catastrophe. Le cacao en poudre s’est répandu dans les sinus d’Hugo, lui donnant une envie subite de tousser.

Souhaitant garder de la prestance, Hugo tourna la tête vers la gauche et toussa un gros coup. La toux fut si forte qu’il expulsa un bout de son dessert. Ce dernier vola en vitesse réduite, comme dans un film Matrix, et Hugo le vit s’écraser avec horreur sur le beau costume Cifonelli de son voisin.

Désemparé, Hugo s’empressa d’avaler le reste de son dessert, paya la note et s’en fut, sans mot dire à son voisin. La culpabilité fut telle que, de fil en aiguille, elle entraina sa rupture avec sa copine.

Le temps a bien passé maintenant.

Hugo est à la tête de sa boutique, bien en vue sur la place de Paris. Tout va bien pour lui. Il va bientôt être papa, ce qui en fait l’homme le plus heureux du monde.

La seule ombre au tableau demeure ce traumatisme tiramisesque. À chaque fois qu’il se rend dans un restaurant italien et qu’il commande un tiramisu, il ne peut s’empêcher d’avoir une pensée pour le joli costume souillé des années plus tôt. Si bien qu’à chaque tiramisu terminé, Hugo se répète le mantra suivant :

« C’est un nouveau tiramisu qui est passé sans encombre. Aucun costume dégradé. Je suis super fier de moi. »

À chacun ses victoires.