Un kilomètre à pied, ça use

J’ai longtemps pensé que je faisais des tâches ménagères pour faciliter la vie des autres, pour qu’ils puissent se consacrer à des activités plus agréables. Je le faisais parce que je suis d’ordinaire le premier levé et que j’avais le sentiment qu’il faut être utile pour sa communauté.

Surtout, j’ai longtemps pensé que je le faisais sans rien attendre en retour. Par volonté de service, par amour inconditionnel de mes proches.

C’était me mettre le doigt bien profond dans l’œil. Aux chiottes l’amour inconditionnel ! Vive le pragmatisme et l’utilitarisme ! Il est temps que je prenne vraiment conscience du fait que les relations humaines sont pour la plupart mues par l’intérêt. Si je fais ceci pour toi, je m’attends à recevoir ta considération, ta reconnaissance, ton amitié, ton amour.

Pire encore, cette attitude serviable finit par se retourner contre moi. On m’a appelé Mr. Perfect dernièrement. Être Mr. Perfect implique de ne jamais faire d’erreurs, de toujours produire le même niveau de service. Or je réalise que je n’ai pas envie que l’on prenne ce comportement pour acquis. Pas envie que l’on s’attende à ce que je fasse cela tout le temps. Au contraire, je souhaite pouvoir ne rien faire sans culpabiliser les jours où cela me chante.

Autre réaction possible à mes actions, celle de la culpabilité. Accomplir ces tâches ménagères à la place des autres pourrait induire un sentiment de culpabilité chez eux : « J’aurais bien fait la vaisselle mais il l’a fait avant que je n’aie le temps de me lever. » « J’avais prévu de le faire après ma discussion mais c’était déjà trop tard. »

J’ai encore beaucoup de chemin à faire. Des kilomètres à parcourir pour accepter de laisser les autres faire sans m’en mêler. Des semelles à user pour accepter que ce comportement que je prenais pour de la gentillesse désintéressée peut-être perçue comme une tentative de démonstration de supériorité. Peut-être que toute cette distance me fatiguera et me permettra enfin de comprendre comment me poser et profiter, tranquillement, de la compagnie de mes proches.